Hedging et Spéculation Monétaire de l’Ouguiya

jeu, 28/12/2017 - 23:15

Le marché noir du forex mauritanien connaît ces jours-ci une importante montée en valeur des devises étrangères, notamment le Dirham marocain et le Franc CFA.

 

Une hausse des taux de change provoquée par la ruée vers ces devises de la part des spéculateurs mauritaniens, détenteurs de quantités colossales de l’Ouguiya, qui n’arrivent toujours pas à comprendre l’objectivité du changement d’étalon de l’Ouguiya et qui craignent ses conséquences.

 

A tort ou à raison, ces spéculateurs ont provoqué la naissance d’une bulle spéculative sur le marché de devises dont l’éclatement aura des conséquences graves sur leurs opérations financières. Une bulle qui arrivera à sa maturité probablement avant la fin du premier trimestre de 2018 et qui ne touchera, a priori, que ceux qui l’ont provoquée.

 

J’explique:

 

En cherchant à se couvrir (hedging) contre le risque de change et d’autres risques de nature économique et financière qui, selon eux, peuvent surgir en conséquence du changement d’étalon de l’Ouguiya, les protagonistes de cette bulle spéculative se sentaient obligés de se débarrasser de leurs réserves en Ouguiyas. Ainsi, ils ont choisi de faire recours à d’autres devises de la sous-région faciles à reconvertir en Ouguiya, en l’occurrence le Dirham marocain et le Franc CFA. Ce qui a provoqué une hausse de demande pour ces devises et par conséquent une hausse de leurs taux de change (prix) par rapport à l’Ouguiya. Un prix que les spéculateurs sont prêts à payer pour protéger leurs réserves en liquidité contre l’incertitude qui, toujours selon eux, accompagnera la démonétisation de la monnaie mauritanienne. C’est pourquoi les taux de change desdites devises sont si élevés et continueront d’augmenter jusqu’au début du processus de démonétisation, à partir du 1er janvier 2018.

 

Une fois la démonétisation entamée et les doutes des agents économiques surmontés, cette bulle spéculative arrivera à sa maturité et éclatera. Les mêmes spéculateurs qui, il y a quelques semaines, avaient décidé de se débarrasser de l’Ouguiya en faveur du Dirham ou du FCFA se trouveront alors contraints de reconvertir leur devises car le risque est dépassé et ils ont intérêt à avoir des réserves en Ouguiyas pour financer leurs activités en Mauritanie. Exposés à cette information, ils adopteront un comportement moutonnier, mimétique, de reconversion qui provoquera inévitablement une ruée vers la monnaie nationale.

 

En se débarrassant de leurs devises de refuge en faveur de l’Ouguiya, ils provoqueront une hausse de la demande de l’Ouguiya et par conséquent une baisse des taux de change (prix) de ces devises par rapport à l’Ouguiya et en contrepartie une hausse des taux de change (prix) de l’Ouguiya par rapport au Dirham marocain et au Franc CFA. Ils se retrouveront, cette fois-ci, face à des taux de change (prix) élevés de l’Ouguiya, lesquels il seront obligés d’accepter pour avoir des réserves en monnaie nationale.

 

En conclusion, ces spéculateurs ont acheté des devises à des prix élevés et les revendront à des prix inférieurs. Ils n’ont pas choisi le recours vers ces devises étrangères pour réaliser des profits mai par crainte de subir des pertes. Or en faisant ce choix, ils se sont exposés à un risque de change plus important.

 

Ils peuvent cependant limiter leur pertes en adoptant une stratégie d’arbitrage intertemporel par la reconversion de leurs devises en Ouguiya avant le 31 décembre 2017.

 

Quant aux importateurs ou investisseurs qui cherchent à acheter des Dirhams ou du Franc CFA, ils ont intérêt à attendre l’éclatement de la bulle pour réaliser leurs transactions. Ils auront sans doute l’opportunité d’acheter des Dirhams marocain et des Franc CFA à des taux de change réels (prix d’équilibre).

 

C’est la loi de l’offre et de la demande conjuguée au comportement des spéculateurs !

 

Sid’Ahmed Maurice Benza

 

Économiste

Actualités