D’origine saharienne et une des épouses préférées de Moulay Ismaïl, Lalla Khnata Bint Bekkar régnera dans l’ombre, alors que son fils, le sultan Moulay Abdellah, multiplie les erreurs contre son propre entourage.
Le visiteur du mausolée du sultan Moulay Ismaïl à Meknès ne manquera pas de relever deux choses qui ont valeur de symbole : à côté du tombeau du sultan, gît celui de son épouse, Lalla Khnata. Pourquoi, elle, et elle seulement, avait-elle « l’insigne honneur » de reposer, pour l’éternité, aux côtés de son mari qui avait pourtant un grand harem ? À l’entrée du mausolée, dans un cimetière de fortune, un autre tombeau se dresse, avec caveau (darbouz), de celui qui était l’expression de la conscience populaire, Sidi Abderhaman Al Majdoub. Trois symboles du pouvoir se jouxtent pour l’éternité.
Mais, c’est la première qui nous intéresse ici, même si nous savons par ailleurs que nous disposons de peu de références pour élucider le mystère de cette femme, hors du commun, qui a marqué trois sultans alaouites et continue à le faire outre-tombe.
Elle avait de l’ascendant sur son mari Moulay Ismaïl. C’est elle qui a su manigancer pour voir son fils Moulay Abdellah prendre le trône, et activer en sous-main l’armée prétorienne du Guich des Oudayas, issue de sa tribu, pour faire contrepoids au pouvoir exorbitant des Boukhara. Enfin, elle avait pris en charge l’éducation de son petit-fils, Sidi Mohammed, celui qui deviendra Sidi Mohammed Ben Abdellah. Il n’avait que douze ans quand il l’accompagne à la Mecque et les historiographes et chroniqueurs s’accordent à faire remonter la sagesse et la pondération de Sidi Mohammed, à l’influence de sa grand-mère. Hassan II, sans la citer, aimait remonter sa filiation aux Mghafra, la tribu de Lalla Khnata Bint Bekkar, pour étayer le lien avec le Sahara. Et des Sahraouis, et non des moindres, se vantent du lien avec la famille régnante, par le truchement de Lalla Khnata Bint Bekkar (peut-être aurait-il fallu prononcer « Mint Bekkar », comme c’est l’usage dans le parler Hassani).
Elle est revenue au devant de la scène par un triste événement, quand la mosquée qui porte son nom à Meknès s’effondre en février 2010, faisant plus de quarante morts. Des instructions sont alors données par le roi Mohammed VI pour que la mosquée soit reconstruite à « l’identique ».
Par Hassan Aourid
La suite de l’article dans zamane N°43