Rupture du jeûne présidentielle : Une partialité préoccupante

lun, 20/05/2019 - 08:29

Au terme de la clôture des dossiers de candidature du scrutin prochain et au rythme des préparatifs des campagnes des candidats, dans une atmosphère où tout le monde perçoit l’avènement d’un tournant significatif de l'histoire de notre pays, après une décennie de rivalités politiques aiguës, il est souhaitable d’éviter des actes qui peuvent constituer des écueils à l’exercice de la démocratie et qui perturbent le processus et qui tuent toute tentative d’ouverture entre les différents acteurs de la scène politique nationale.

L'invitation à l’Iftar offerte récemment par la Présidence de la République en l’honneur des élus du parti UPR (Union pour la République) et en présence de ses dirigeants est une illustration notoire de ce genre d’écarts. 

En effet, les repas servis lors de cette invitation de rupture de carême n’ont pas été financés ni sur des fonds privés ni par une entité politique mais bel et bien par la plus haute institution publique du pays dépositaire des intérêts du peuple tout entier et qui a puisé sur des biens du peuple mauritanien et des richesses de la République islamique de Mauritanie, qui ne sont point l’apanage de forces ou d’entités politiques déterminées. 

Il y’a lieu de mettre fin à ce genre d’agissements. Si les organisateurs de ce festin avaient des motivations naturelles et transparentes, ce diner devait avoir lieu dans un lieu non public et devait être financé sur des fonds privés. De surcroit la présence du président de la République et son discours adressé aux élus incitant et exhortant les invités à soutenir un candidat donné lors du scrutin prochain relèvent d’une dérive juridique et d’une infraction contre les règles et procédures. 

Il ne sied point au Chef de l’Etat de s’immiscer d’une si flagrante manière dans la campagne électorale et d’user de son pouvoir pour soutenir tel ou tel candidat. Les instructions données à travers une institution publique par le président de la République avec à l’appui une utilisation des biens publics en faveur d’un candidat précis est une atteinte aux droits d'autrui et un message peu réconfortant aux autres intervenants de la scène politique. Cela signifie également que les moyens de l’Etat peuvent être utilisés au service d’un candidat donné contredisant ainsi les impératifs du moment. 

Cette propension à l’impartialité est un message clair et malheureusement peu rassurant car il laisse entendre que les joutes électorales opposeront des candidats d’une part, au dispositif de l’Etat et son candidat d'autre part. Cet état de fait est de nature à impacter la scène politique nationale et à nous replonger dans le cercle vicieux des crises politiques asphyxiantes que tous nous avions à cœur de surmonter et dépasser en ces moments cruciaux de l'histoire du pays.

Et si l'information de visites programmées du chef de l'état dans certaines régions de l'intérieur du pays s'inscrivant dans le cadre de cette campagne du candidat Mohamed Ould Ghazouany se confirmait, cela constituerait une source d’inquiétude car il est illusoire de s’attendre à toute forme d’impartialité lorsque le chef de la pyramide de l’Etat supervise en personne et de façon explicite et directe cette campagne. Il faut en effet s’attendre à ce que les différents pans de l’administration le suivent au pas.

Il est indéniable que les voies et moyens les plus indiqués et les plus sûrs aux yeux de tous pour assurer la traversée vers un processus garantissant le consensus et l’assentiment de tout un chacun se trouvent dans l’engagement des pouvoirs publics à se tenir à distance égale de tous les acteurs politiques et à respecter les exigences de la période en particulier consolider le processus démocratique au-delà de 2019.

Ahmed Abou El Maali

Écrivain journaliste

http://atlasinfo.info/fr/node/2900

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