Mauritanie: La fibre sociale du président Ghazouani ... Par Jemal M. TALEB, Avocat à la Cour, Vice-président du CIRES

dim, 12/05/2024 - 15:15

Saint Simon est un libéral français qui a rompu avec le libéralisme classique pour adhérer à un libéralisme social. Ce néo libéralisme conduirait au progressisme politique et social et viserait à transformer la société fondée sur l’exploitation. Sa théorie sur les classes sociales dénonce l’exploitation d’une immense majorité des travailleurs de toute nature par une faible minorité. Il considère que l’âge d’or se trouve dans la perfection de l’ordre social qui passe par l’orientation du capitalisme vers la création d’une abondance des richesses qui profite à tous. Il est le véritable père du socialisme français et le plus grand théoricien de l’égalité par l’effort.

Osons une comparaison et nous découvrirons, je n’en doute point, une déclinaison mauritanienne du Saint-simonisme. En effet, l’amélioration des conditions de vie des plus démunis dans ce pays a été la grande préoccupation des politiques publiques ces dernières années que nous pouvons appeler les années Ghazouani.

Je ne peux plus parler de la Mauritanie sans me rappeler la prophétie de l’écrivain franco- camerounais Gaston Kelman. Il y a une quinzaine d’années, l’auteur du best-seller “Je suis noir et je n’aime pas le manioc”, cet ami – éclairé, ajoute-t-il – de la Mauritanie, publiait un livre intitulé “Les hirondelles du printemps africain”.

Et l’hirondelle qui lui avait inspiré ce chant d’espoir, cette prophétie, c’était la Mauritanie. On a d’autant moins cru en lui que peu de temps après ses déclarations, un nouveau coup d’état renversait le premier président élu démocratiquement, et ébranlait ce pays qui n’avait connu que ce mode d’alternance depuis les indépendances. Devant les rires en coin, les moqueries et parfois les quolibets, l’homme a tenu bon. La Mauritanie, selon lui, était irréversiblement sur les bons rails. La suite des événements allait peut être lui donner entièrement, insolemment raison.

Les présidents successifs de la Mauritanie se sont spécialisés chacun dans un secteur de développement. Chacun a son style, ses priorités, sa sensibilité, son mode de gouvernance et ses choix propres. Ce New deal a délibérément commencé par la mise en place des textes fondamentaux forts, l’organisation d’élections générales, le bétonnage sur le plan sécuritaire, l’assainissement des finances publiques et l’évolution des infrastructures d’une façon appréciable. Il n’y a pas à en douter, le pays a connu des avancées notables dans presque tous les domaines. Les infrastructures se sont améliorées, la sécurité s’est installée, l’économie s’est diversifiée, le visage des villes s’est modernisé et le réseau routier s’est agrandi. Nous pouvons en être légitimement fiers, même s’il reste encore du travail. Certains mauritaniens, adeptes de la théorie du déclin éternel, vous diraient qu’on pouvait mieux faire, mais vous connaissez tous l’adage « qui se regarde se désole, qui se compare se console ».

L’arrivée du président actuel Mohamed Ould Cheikh Ghazouani a coïncidé avec l’entrée en scène au plan mondial de la pandémie du Covid-19 et ses conséquences qui n’ont épargné aucun pays et ont stoppé tous les programmes d’investissement dans les quatre coins de la planète. Il a aussi géré une crise politique interne, sans oublier les conséquences de la guerre en Ukraine. Sont-ce ces éléments très perturbateurs pour des populations fragiles en particulier, qui ont guidé ses choix politiques vers le volet social !

A l’instar de ses prédécesseurs, il s’est résolument mis au travail, révélant à ses compatriotes une sensibilité sociale qui se confirme tous les jours et que peu d’observateurs de la vie politique mauritanienne ont suffisamment soulevé. Dans certains salons huppés de Nouakchott, il arrive que l’on l’accuse de servir du Covid et de la guerre en Ukraine pour justifier ce que l’on juge comme ses insuffisances. On ne peut pas plaire à tout le monde, dit l’adage. Cet homme est perpétuellement en éveil, au propre et au figuré, car il agit sur tous les fronts. Il peut lui arriver de commencer ses journées très tôt pour les terminer à 23h. S’il délègue plus que son prédécesseur, il surveille tout ce qui se fait et notamment dans son domaine de prédilection, le volet social.

La fibre sociale du Président Ghazouani ne se dément pas. Sa politique en matière de santé, d’action sociale, d’aide aux plus démunis, de construction d’équipements scolaires, de développement d’infrastructures hydrauliques et d’assistance aux familles isolées, constitue sa marque de fabrique. Un ancien Président français disait qu’une politique sociale généreuse peut atténuer les effets sociaux ou limiter les conséquences de l’inflation mais elle ne permet pas de gagner des élections car ses résultats ne sont pas immédiatement visibles. Le président mauritanien, en fin politicien, ne peut pas ignorer ce précepte. On peut donc en conclure que cet élan n’est point électoraliste, mais simplement humaniste.

Au début de la pandémie du Covid, à cause de la méconnaissance de la maladie et de ses conséquences, tous les pays ont adopté le principe de précaution budgétaire et ont fait le choix sage et prudent d’ajourner les reformes importantes et d’attendre l’évolution de la situation sanitaire. La Mauritanie n’a pas échappé à cette logique. Mais pour les nations africaines, la situation était plus préoccupante.

L’on se souvient des prévisions apocalyptiques qui émanaient de toutes les chancelleries occidentales sur l’hécatombe que causerait la pandémie en Afrique. En Mauritanie, tout a été mis en œuvre pour faire mentir les cassandres. Du point de vue sanitaire, la couverture vaccinale a été parfaite. Les difficultés que le fléau aurait pu entrainer ont été maîtrisées par un traitement offensif de ses effets. Au bout du compte, le pays n’a connu aucune tension sociale et le bilan de santé a été salué par tous. Mieux, cette situation a conduit à une amélioration sans précédent des équipements sanitaires et de la prise en charge des malades. C’est ainsi que les équipements hospitaliers ont été multipliés par dix, les malades atteints de grandes pathologies sont entièrement pris en charge et la couverture maladie universelle instaurée et touche désormais plus de 700 milles personnes.

Quand on parle de la mise en veilleuse des réformes, le volet social n’en fait pas partie. L’école, la santé sont les deux tremplins indispensables au développement. Ils permettent à tout un chacun d’avoir d’une chance d’améliorer sa condition sociale. Leur prise en charge a été exemplaire. On peut ajouter à cela la construction de nouveaux logements sociaux.

En ce qui concerne les populations fragiles, Une série d’actions a été mise en place en faveur des populations les plus fragiles. Les retraités ont vu un doublement de leurs pensions et le paiement jusque-là trimestriel a été mensualisé. La couverture maladie universelle est ouverte désormais à tous ceux qui n’en bénéficiaient pas.

Les veuves et les femmes isolées reçoivent un revenu mensuel garanti par une agence d’état dénommée Taazour. Les villages éloignés et enclavés jouissent désormais d’un suivi particulier pour que personne ne soit oublié.

L’Education nationale n’est pas oubliée non plus. Le plan de reforme de l’enseignement prévoit à partir de la rentrée prochaine des évolutions inédites. Plus de 100 établissements scolaires ont été réalisés en 2023, un programme de l’école républicaine avec la généralisation de l’école publique a vu le jour, les programmes ont été uniformisés et une revalorisation annuelle des salaires de enseignants a été instaurée.

Une Politique de l’habitat social a aussi été développée avec la construction en cours de plus de dix mille logements sociaux et un projet intitulé « nouvelle vie ». Ce projet a visé plus de deux milles familles avec l’installation dans une ville nouvelle d’équipements urbains, d’infrastructures scolaires et constructions de routes.

Une certaine lecture uniformisante du Panafricanisme a toujours voulu que les étapes du développement de l’Afrique se fassent en même temps et comme sous le clap de départ donné par des forces étrangères, comme on pense – à tort – que tel a été le cas pour les indépendances en 1960. Ainsi, on a parlé de sous développement, puis de pays en voie de développement et aujourd’hui, après d’autres théories, on parle d’émergence, sans que l’on vous définisse les critères de cette émergence. Ainsi, on entend des pays africains fixer le terme de ce fameux nouvel horizon.

Les évolutions sur le terrain montre qu’il n’en est rien. Le Botswana n’est point la RDC et l’Angola ne se développera pas au même rythme que la Sierra Leone. Aujourd’hui, certains pays ont fait le choix de leur monnaie pendant que d’autres continuent avec une monnaie commune. La Mauritanie a fait des choix. Contre vents et marées, elle s’est donnée des caps. Et comme une tradition désormais, chaque président, en poursuivant cet élan de développement, implique sa marque propre. Ainsi sans lâcher les autres leviers, plus que nul autre, le président Ghazouani a actionné celui du social

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