Lors du Conseil des ministres du 16 janvier 2025, la Mauritanie a franchi une étape importante en annonçant la création de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption. Cette décision, attendue depuis des décennies, suscite à la fois espoir et scepticisme, tant la corruption a marqué, blessé et freiné le pays. Elle n’a jamais été un concept abstrait pour les Mauritaniens : elle est une réalité vécue, omniprésente dans tous les aspects de la vie publique et privée, dont les effets dévastateurs se font ressentir dans chaque foyer.
Des générations de Mauritaniens ont souffert de cette gangrène qui s’est infiltrée dans tous les rouages de l’État. La corruption, sous ses multiples formes – détournements de fonds publics, pots-de-vin, favoritisme – a affaibli les institutions, vidé les caisses publiques et empêché des projets vitaux de voir le jour. Elle a exacerbé les inégalités sociales, rendu l’accès aux services publics inéquitable et creusé un fossé de méfiance entre les citoyens et leurs dirigeants. Dans les zones rurales, des budgets destinés à l’eau ou à l’électricité disparaissent sans jamais atteindre les populations, tandis que dans les villes, les pots-de-vin et les pratiques douteuses bloquent les opportunités économiques. Cette réalité a maintenu la Mauritanie dans un cercle vicieux de sous-développement et de dépendance.
La création de cette nouvelle autorité représente donc un tournant décisif. Pour qu’elle soit efficace et crédible, il est essentiel qu’elle soit dirigée par une personnalité intègre, idéalement un ancien général reconnu pour son impartialité et sa droiture. Il devra être entouré d’une équipe composée de magistrats compétents, de commissaires de police expérimentés, et d’anciens hauts cadres de la douane et de la gendarmerie. Ces profils, connus pour leur rigueur et leur parcours sans tâche, donneraient une crédibilité indiscutable à cette structure. Ce choix est impératif : toute tentative de nommer des figures compromises ou issues des anciens régimes ne serait qu’un leurre, une trahison des attentes des Mauritaniens, et confirmerait que cette initiative n’est qu’une façade.
L’histoire regorge d’exemples qui prouvent qu’avec des institutions bien dirigées et des moyens conséquents, il est possible de changer les choses. À Hong Kong, la Commission Indépendante contre la Corruption (ICAC) a transformé un système gangrené en un modèle de transparence grâce à une indépendance totale et des moyens considérables. En Afrique, le Rwanda et le Botswana ont également démontré qu’une lutte efficace contre la corruption peut transformer un pays et restaurer la confiance de ses citoyens. La Mauritanie doit s’inspirer de ces réussites pour bâtir une autorité crédible et autonome.
Pour y parvenir, il faudra adopter des lois claires et sévères criminalisant toutes les formes de corruption et appliquer des sanctions exemplaires, même aux plus hauts niveaux. La transparence dans la gestion publique devra être renforcée, notamment en exigeant des déclarations de patrimoine des responsables et en surveillant rigoureusement les marchés publics. Des mécanismes sécurisés pour dénoncer les abus devront être mis en place afin de protéger les lanceurs d’alerte, tandis que des campagnes de sensibilisation mobiliseront les citoyens contre ce fléau qui les touche au quotidien.
La publication de rapports annuels détaillant les résultats de cette autorité et les défis rencontrés sera cruciale pour instaurer la transparence et permettre des ajustements constants. Enfin, une coopération étroite avec des organismes internationaux tels que Transparency International permettra à la Mauritanie de bénéficier d’expertises techniques et d’un appui pour traquer les flux financiers illicites.
Cette nouvelle autorité est une chance historique pour la Mauritanie de rompre avec les pratiques qui ont tant coûté à ses citoyens. Mais sa réussite repose sur un impératif : traduire les promesses en actions concrètes et visibles. Il ne s’agit pas seulement d’une réforme administrative, mais d’une bataille pour l’âme de la Mauritanie. En s’appuyant sur des dirigeants intègres et une volonté politique réelle, le pays peut espérer briser le cercle vicieux de la corruption et offrir à ses citoyens l’avenir qu’ils méritent. Les Mauritaniens, qui ont tant souffert de cette réalité, méritent enfin de voir émerger un État transparent et juste, où les ressources nationales profitent à tous et non à une élite prédatrice.
Je lance un appel à l’ensemble des forces vives de la nation pour saluer cette décision et l’accompagner activement dans sa mise en place. Il est de notre devoir collectif de forcer la main au régime pour qu’il acte son lancement de manière désintéressée et honnête. Cette autorité, si elle est bien conçue et soutenue, pourrait seule ramener la confiance, rétablir l’entente nationale et devenir un véritable fédérateur, un recours pour tous les citoyens qui aspirent à une Mauritanie équitable et prospère.
Haroun Rabani
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