Ould Dhehby... le capitaine des grandes réformes monétaires et financières.

lun, 07/04/2025 - 09:24

Il y a trois ans, à un moment charnière dont la vérité n’est connue que des économistes, de ceux qui suivent les affaires économiques nationales, ou de ceux qui lisent le langage des données et écoutent le pouls des marchés, Mohamed Lemine Ould Dhehby-, pur produit du ministère des Finances, accédait à la direction de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM). Le nouveau Gouverneur a pris ses fonctions dans un contexte turbulent, alors que l’économie nationale traversait des moments critiques. Comme la plupart des économies régionales, l’économie a été ébranlée par l’impact de la pandémie de la COVID-19, qui a entraîné des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, la restriction du commerce mondial et la hausse consécutive de l’inflation et l’érosion du pouvoir d’achat des citoyens.

Mais avec sa vision économique moderne et ambitieuse, et sa capacité à prendre des décisions efficientes aux moments cruciaux, Ould Dhehby n’a pas fait de ce contexte de crise un prétexte ou un bouc émissaire pour le tenir responsable de l’impasse. Au contraire, le Gouverneur a transformé toutes ces difficultés en un catalyseur pour introduire des réformes monétaires, financières et institutionnelles redoutées par tous ses prédécesseurs, qui n’avaient aucun moyen d’aborder la situation. Ainsi, à un moment crucial, la Banque Centrale a trouvé le capitaine qui allait la mener d’un état de stagnation, d’impuissance et de crise, à un état de succès, d’innovation et de leadership qui lui avait toujours fait défaut.

Au cours des trois années suivantes, l’ambitieux Gouverneur a adopté une approche différente dans la gestion de l’institution mère, qu’il s’agisse de son infrastructure interne, à la fois numérique et logistique, du système bancaire national et de ses relations avec le monde extérieur, ou ce qui concerne les politiques monétaires et de change, et même les politiques de modernisation dans le domaine de la numérisation et de l’inclusion financière. Il a lancé un profond projet de modernisation, dont nous explorerons plus loin certaines caractéristiques.

Cet article, que nous avons voulu complet, ciblé et exhaustif, n'a pas pour but de répondre à certains lurkers qui dominent certaines plateformes de réseaux sociaux ces jours-ci, mais plutôt, par loyauté personnelle envers les faits dont j'ai été témoin et que j’ai vécus, pour rétablir la vérité faits et conjurer les campagnes suspectes lancées par ceux qui ne comprennent pas le lexique économique, de gestion et d'administration stratégique. Il s’inscrit aussi dans mon souci d’éclairer ceux qui vivent en étouffant les faits incontestés, les tentatives de déformer et d'obscurcir la lumière du soleil avec des tamis usés.

Voici un petit aperçu de ce que le Gouverneur Mohamed Lemine Ould Dhehby a accompli au cours des trois dernières années :

Systèmes et infrastructures de paiement : une renaissance numérique silencieuse

Dans le domaine de la modernisation de l’infrastructure financière, le nouveau Gouverneur était ambitieux et passionné, voire le véritable artisan d’une transformation au sein du système bancaire national. La Banque Centrale a adopté sous sa direction le Système de Transfert Automatique (ATS) dans ses deux composantes : le règlement brut en temps réel (RTGS) et la chambre de compensation automatisée (ACH), ainsi que les Dépositaires Centraux des Titres (CSD). Ces deux systèmes sont compatibles avec les normes financières internationales et visent à améliorer l’efficacité, la sécurité et la rapidité des transactions financières, permettant l’accélération des processus de paiement et la réduction des risques opérationnels. Le système QCBS a également été lancé, alliant efficacité, transparence et sécurité dans les opérations bancaires. Cela est vrai tant au niveau national qu’international, et Ould Dhehby s’est efforcé de rendre le système financier national plus intégré aux normes internationales. La Banque Centrale de Mauritanie a adopté à la fin 2024 le système SWIFT MX, devenant l’une des premières Banques Centrales de la région à adopter cette transformation technologique. SWIFT MX représente la prochaine génération de messages de paiement et de règlement internationaux. Cette transition s’inscrit dans le calendrier mondial d’adoption du MX, qui deviendra obligatoire à partir de novembre 2025. Le Gouverneur a lancé cette mise à jour précoce, reflétant une vision proactive visant à améliorer l’efficacité des transactions financières internationales et à améliorer la capacité des institutions financières nationales à communiquer efficacement avec leurs partenaires internationaux.

Réformer le marché interbancaire

Dans le cadre des efforts visant à renforcer la stabilité de l’économie mauritanienne et à développer son infrastructure financière, le marché des changes a subi des réformes fondamentales sous la direction du Gouverneur Mohamed Lemine Ould Dhehby. L’une des plus importantes de ces réformes a porté sur le lancement d’un marché interbancaire des changes le 14 décembre 2023, conformément aux normes internationales. Cette étape représente une transition d’un système où le taux de change est déterminé par la Banque Centrale, sur la base des cotations bancaires, à un système où le taux est déterminé en fonction de l’offre et de la demande sur le marché, en tenant compte de la politique de change et des réglementations du marché. Ce changement vise à parvenir à une répartition optimale des devises fortes entre les acteurs économiques et à améliorer la transparence et l’efficacité des opérations financières.

Améliorer l'efficacité de la politique monétaire

Au milieu des défis économiques régionaux et internationaux, le chevronné Gouverneur a mené un autre processus de réforme tout aussi important dans le domaine de la politique monétaire, dont l'objectif principal était de maintenir la stabilité des prix et de renforcer la crédibilité de la monnaie nationale. Sa politique monétaire reposait initialement sur une approche de précaution, cherchant à contrôler l’inflation en utilisant des outils d’Open Market pour améliorer l’absorption des liquidités excédentaires et surveiller la masse monétaire, afin de freiner l’inflation importée en ajustant les taux d’intérêt et en surveillant les prêts bancaires. Parallèlement, Ould Dhehby a tenu à maintenir un niveau confortable de réserves de change, ce qui a contribué à renforcer la confiance des investisseurs et des acteurs économiques. Cette approche équilibrée a créé un environnement monétaire stable qui encourage l’investissement et stimule la croissance, sans compromettre les objectifs généraux de stabilité financière et monétaire. Grâce à cette politique monétaire équilibrée, la banque a pu réduire le taux d’inflation de 11 % en 2022 à seulement 2,4 % en septembre 2024, un taux considéré comme typique par rapport aux fluctuations mondiales. Cela a conduit à un changement progressif vers une politique expansionniste à la fin de 2024, en abaissant le taux d’intérêt directeur à 6,5 % pour stimuler l’investissement et la croissance.

Créer une stratégie d'inclusion financière...

Parmi les principales réalisations figure la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière (SNIF), lancée par la Banque Centrale en mai 2024, qui est le premier document du genre à définir une feuille de route complète pour l’intégration de larges segments de la population dans le système financier, fixant un objectif ambitieux : porter le taux d’inclusion financière à 63 % d’ici 2028, en mettant l’accent sur les jeunes, les femmes et les populations les plus vulnérables. La stratégie n’est pas restée rangée dans des tiroirs. Au contraire, elle a fait l’objet de présentations et d’explications lors des Journées nationales d’inclusion financière, qui se sont transformées en ateliers nationaux de discussion, de sensibilisation et de renforcement de la confiance. Ses résultats ont commencé à apparaître à travers l'accès accru aux services bancaires et le lancement du mécanisme d'échange entre les portefeuilles électroniques...

Un processus de transparence et de gouvernance...

À l’heure où les institutions ne se mesurent pas au nombre d’employés, mais à leur capacité à résister aux crises, le Gouverneur a œuvré à la réforme du système de gouvernance bancaire en développant le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent, en renforçant la surveillance bancaire et en élargissant le champ de la transparence. Il est même allé plus loin en adoptant progressivement les Normes Internationales d’Information Financière (IFRS) dans le cadre d’un processus de modernisation de son système comptable et financier, comme partie d’une réforme globale de la gouvernance financière et de la transparence. Il s’agit d’une étape fondamentale dans la vision stratégique visant à s’adapter aux meilleures pratiques mondiales et à rendre les états financiers plus fiables et transparents pour les partenaires internationaux.

Réformer les lois... Quand les textes parlent le langage du futur

L’un des plus remarquables acquis réalisés par le Gouverneur, dont on trouve rarement un écho dans les médias, a été sa volonté de procéder à une révision radicale des textes juridiques régissant le travail de la banque et, par la suite, le secteur bancaire dans son ensemble. Les statuts de la Banque Centrale ont été révisés pour renforcer son indépendance et lui fournir des outils efficaces pour faire face aux crises financières soudaines. En novembre 2024, le Parlement a adopté la loi de « modernisation des marchés de capitaux », ouvrant la voie à la création de la Bourse de Nouakchott, ainsi que de l’Autorité de régulation des marchés, du Dépositaire central et du Fonds de garantie des dépôts. Il s’agit d’une étape importante, car elle permettra d’attirer des capitaux et d’élargir la base de financement. La loi « Cadre législatif pour les obligations garanties » est l’aboutissement d’un effort institutionnel visant à protéger les investissements et à renforcer la confiance dans le marché national.

A cela s'ajoute la signature d'un accord de coopération stratégique avec la Bourse de Londres, l'un des marchés financiers les plus prestigieux au monde, pour contribuer au développement de la Bourse de Nouakchott, transférer l'expertise et l'expérience de la Bourse de Londres, faire de Nouakchott un centre financier prestigieux dans la région et ouvrir le marché mauritanien à l'afflux de capitaux et d'investissements étrangers.

Enfin....

Parler du Gouverneur Mohamed Lemine Ould Dhehby, c'est parler d'une vision économique et planificatrice qui allie l'atteinte des objectifs fixés à l'obtention des profits souhaités. Sous sa direction, la Banque Centrale a réalisé des bénéfices sans précédent, atteignant un pic de 87 millions de dollars en 2023.

Il s’agit donc d’un Gouverneur qui ne se réduit pas à des chiffres ou à des rapports. En combinant une vision solide avec une exécution sereine, une sagesse financière avec une audace réformiste, il renouvelle non seulement le rôle de la Banque Centrale, mais le redéfinit également. À l’heure où le monde souffre d’une perte de confiance dans les institutions, il a réussi à faire de la Banque Centrale de Mauritanie une institution crédible qui relève les défis, fait la différence et produit un impact. L’homme ne parle peut-être pas beaucoup, mais derrière chaque indicateur positif, chaque réforme législative et chaque nouvelle infrastructure, il y a l’empreinte claire d’un capitaine nommé Mohamed Lemine Ould Dhehby

A Allah appartient le commandement au début et à la fin.

Mohamed Lemine Ould Taleb Ahmed

Economiste

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