Il n’en démord pas. Birame Dah Ould Abeid reste constant dans son combat. Ni les défections, ni les calomnies, encore moins les procès d’intention et les tentatives de diabolisation ne semblent dévier l’homme de ce dont il s’est fixé pour mission et sacerdoce, à savoir éradiquer l’esclavage dans ses formes les plus criantes ou les plus sournoises en Mauritanie.
Nous avons rencontré le leader de l’IRA, plus politique que jamais, acquis à l’idée d’un front des différents pôles de l’opposition en 2019 mais pas, alors là pas du tout, à la magie de la candidature unique. Exclusif.
–En ce début de 2018, vous avez effectué plusieurs rencontres avec certains leaders de l’opposition. Quel bilan tirez-vous de ces sorties?
Le bilan de ces rencontres et échanges avec les leaders des différents compartiments de l’opposition mauritanienne mais aussi des différents compartiments de la société civile a représenté pour moi un encouragement et un raffermissement.
Les hommes et femmes qui dirigent ces organisations sont disponibles à participer à l’éclosion d’une nouvelle donne, d’un nouveau climat et d’un large front national qui s’attèle de manière déterminée à exiger une alternance démocratique constitutionnelle, paisible et pacifique.
Le but de ces rencontres, c’est d’emmener les trois pôles de l’opposition, à savoir l’opposition dite « radicale » et boycottiste, l’opposition participative et dialoguiste mais aussi l’opposition sociale populaire et droit de l’hommiste notamment représenté par l’IRA, à s’unir dans un seul bloc national démocratique afin d’aider à l’alternance pacifique constitutionnelle de 2019.
–Etes-vous en train de former une coalition pour que l’un d’entre vous soit un concurrent potentiel du président Ould Abdel Aziz pour les prochaines élections présidentielles de 2019 ?
Moi, personnellement, je ne crois pas à la magie du candidat unique de l’opposition en pareilles circonstances. Au contraire, je pense que la multiplicité des candidatures augmente les chances de l’opposition en général de ratisser large et de raffermir et d’enclencher un processus de concertation au premier tour et au deuxième tour qui pourra avoir raison du pouvoir comme on l’a remarqué dans d’autres pays notamment ceux du voisinage comme le Sénégal.
–Selon-vous, pourquoi l’opposition n’arrive-t-elle pas à former des coalitions lors des grandes échéances électorales ?
Je pense que les régimes militaires qui se sont succédés au pouvoir en Mauritanie depuis 1978 ont pu créer des réseaux d’infiltration de l’opposition, des mouvements d’opposition, des mouvements syndicaux et des mouvements des droits de l’homme dans la société civile. Je pense aussi qu’ils ont pu nuire aux tendances unionistes et collaborationnistes entre les différents pôles de l’opposition. Ils ont toujours créé, de manière occulte, de dissensions entre les forces de l’opposition.
Mais, depuis quelque temps, nous même de l’IRA et d’autres pôles de l’opposition ont senti la nécessité de surmonter ces difficultés et ces pièges pour qu’on puisse, en cas de participation aux élections législatives municipales et régionales, s’organiser dans les différentes circonscriptions électorales afin de coordonner ensemble et de se rabattre sur les listes les plus présentes parmi l’opposition pour barrer la route davantage aux listes gouvernementales. Et toutes les conditions sont à présent réunies pour ne plus tomber dans le piège.
Cependant, pour les élections présidentielles, je pense qu’une concurrence saine doit être scellée dans une charte entre les différents candidats de l’opposition et une coordination favorisant le report de voix au second tour va certainement être décidée.
-Votre engagement politique s’affirme en dehors de votre engagement social. Quelles sont vos ambitions politiques dans l’avenir ?
Mon arrivée en politique a été le fruit et le résultat des aléas de ma lutte pour les droits de l’Homme. Tout commence par l’incinération des livres en 2012, le tollé qui en a résulté et les inimitiés viscérales exprimées par le pouvoir en place et certains partis d’opposition.
Ceci a eu comme conséquence le soutien très fort dont j’ai bénéficié de la part des populations mauritaniennes qui se sont engagées à mes côtés depuis lors. Et aussi les foules représentatives du monde rural, comme des centres urbains. Tout ceci m’a incité à représenter les mauritaniens dans des élections présidentielles.
Cela requiert ainsi l’engagement de beaucoup de déshérités de masse qui ne se reconnaissaient pas et qui ne se reconnaissaient plus dans les partis d’opposition ni dans ceux du pouvoir. Une partie des populations ont été marginalisées.
Ce sont ces populations qui m’ont donné le courage et l’envie de hausser ma voix pour faire entendre la voix de ceux qui n’en ont pas. Donc, mon ambition politique principale est d’accéder au fauteuil présidentiel en République Islamique de Mauritanie.
–Votre mouvement IRA a connu des défections qui l’ont certainement affaibli. Certains vous accusent de gestion dictatoriale. Qu’en est –il ?
Ce sont des jugements faits par certaines personnes mal intentionnées et qui ne font pas de bonnes analyses mais juste des jugements de valeur. Ce sont des analyses qui corroborent des prétentions du pouvoir qui manigancent de temps en temps ce qu’ils appellent défection, mais en réalité ce n’est que l’achat de certaines personnes par le service de renseignements.
Heureusement que ces analyses ou jugements sans fondement n’ont en aucun cas eu d’incidence négative sur le mouvement IRA. Mais au contraire cela fait apparaître la faiblesse du pouvoir qui recourt à ces procédés dans une compétition déloyale avec notre organisation. Je pense que la longévité et la force toujours renouvelées de notre mouvement dénotent de l’insignifiance de cette propagande que les médias de l’Etat font autour des personnes démarchées par l’argent du pouvoir.
Concernant la gestion dictatoriale, on constate que les gens qui le prétendent avaient quand même vécu beaucoup d’années avec nous et ils ne s’en étaient jamais plaints, ni parler de dictature. Mais une fois de l’autre côté, ils se permettent d’accuser l’IRA de tous les noms. S’il y avait réellement de dictature, les plaignants allaient être nombreux.
–Certains observateurs estiment que vous êtes là juste pour la cause de votre communauté (la communauté harratine). Que répondez-vous à cette question ?
Ceux qui disent que Birame et IRA sont là juste pour la communauté harratine ne regardent pas ou ne suivent pas de près les actions du mouvement. Car dans les manifestations ou les rencontres de l’IRA, on dénonce le mal du pays unanimement.
Par exemple la dernière manif organisée il y a deux semaines, il y avait les photos de tous les exécutés, des martyrs d’ INAL, les photos du sénateur Mohamed Ould Ghadda, du poète mauritanien, Abdallahi Ould Bouna, détenu en ce moment et d’un homme d’affaires, tous détenus pour opinions politiques. Et pourtant ces gens ne sont pas les partisans de l’IRA mais nous on les soutient. Car ces genres de détentions arbitraires sont inclus dans la lutte de notre mouvement.
Autre chose, pendant la bataille contre le référendum, c’est nous qui étions en ligne avancée et c’est nous qui avions subi le plus grand lot des exactions des forces de l’ordre.
C’est nous qui étions aussi devant les sites d’INAL, de Wothie, de Sorimaleh…ainsi que dans la vallée pour dénoncer l’expropriation foncière à caractère raciste et l’esclavage agricole. Bref, je pense qu’il y a des personnes qui caressent l’espoir pour que Birame se focalise seulement sur la question harratine afin qu’eux puissent prospérer sur d’autres questions.
Parce qu’ils ont compris que l’approche nationale de IRA Mauritanie et de Birame prend en charge toutes les causes justes de tous les mauritaniens, toutes ethnies, toutes races, toute l’âme confondue.
–Vous-êtes une figure emblématique de la lutte contre l’esclavage en Mauritanie. Combien d’esclaves avez-vous libéré jusque-là en dehors de l’aide que vous et Aminetou Mint Moktar aviez apporté à la sœur de Bilal ? Une action qui vous a fait connaître d’ailleurs ?
On a libéré directement des dizaines d’esclaves, des femmes, des hommes, des enfants et des jeunes filles et garçons. Mais de manière indirecte aussi, on a libéré des milliers, parce qu’à chaque fois qu’un cas se manifeste, on se sacrifie pour qu’un esclavagiste aille en prison et c’est ce qui pousse d’autres esclavagistes à libérer leurs esclaves par crainte d’être poursuivi.
Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour éradiquer définitivement l’esclavage en Mauritanie ? Et pensez-vous qu’il y aura un jour où ce système disparaîtra définitivement ?
Je suis prêt à aller jusqu’au bout pour que les choses changent, pour que l’esclavage devienne juste une histoire à raconter pour la postérité. Certainement, ce système disparaitra un jour. Car, je suis persuadé que je dirigerais ce pays et en prenant le pouvoir, la première chose que je vais faire c’est d’éradiquer l’esclavage d’une main de fer.
–Quel message lancez –vous à la communauté internationale et aux citoyens mauritaniens par rapport aux échéances des prochaines élections (2018 et 2019) ?
Je pense que les élections de 2018 et 2019 sont particulièrement grandes et historiques pour le peuple mauritanien qui doit se saisir de cette opportunité. Chaque citoyen doit s’inscrire sur les listes électorales et doit aller s’acquitter de son devoir national de vote au cours des élections législatives, municipales et régionales.
Pour les élections présidentielles 2019, sa particularité c’est que ce sont les premières élections en Mauritanie dans lesquelles, le président sortant ne peut pas se présenter. Ce sont des candidats qui vont compétir seuls entre eux, sans le président sortant. Et cela constitue une première alternance par les urnes en Mauritanie.
C’est un acte historique national fondateur de la paix civile, de l’état de droit et de l’abolition totale de la force brute militaire comme moyen de dévolution du pouvoir et de changement.
Et Cette importance fait qu’il incombe à la communauté internationale d’assister le peuple mauritanien et les autorités de la meilleure manière la plus transparente, la plus paisible et la plus pacifique afin d’organiser et de finaliser ces élections et cette alternance.
Propos recueillis par Diary Ndiaye Bâ
Les Mauritanies -
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Titre source : Birame Dah Abeid : "mon ambition suprême est d’accéder au fauteuil présidentiel…"