Soudan : le régime d'el-Béchir est tombé

jeu, 11/04/2019 - 13:02

Dès ce jeudi matin, une « déclaration importante » ouvrant la voie au départ d'Omar el-Béchir avait été promise par l'armée à la télévision officielle.

Convaincus de l'imminence de la chute du président Omar el-Béchir, les manifestants ne se retenaient déjà plus ce jeudi matin, criant que « le régime est tombé ». En effet, la télévision nationale avait interrompu tôt jeudi ses programmes pour diffuser en boucle des chants patriotiques et militaires. « Importante annonce des forces armées sous peu », pouvait-on lire sur un bandeau figé en bas de l'écran. C'est dire que, pour les Soudanais, le sort du président Béchir était déjà scellé. « Le régime est tombé, le régime est tombé ! » ont scandé les nombreux Soudanais qui ont campé depuis des jours devant le QG des forces militaires en brandissant des drapeaux soudanais. « Béchir est parti ! Nous avons réussi ! » avait pour sa part écrit sur Twitter Alaa Salah, l'étudiante devenue « l'icône » du mouvement de contestation. Il faut dire que les habitants de la capitale soudanaise avaient été appelés à rejoindre massivement la foule réunie pour le sixième jour consécutif devant le siège de l'armée, lequel abrite aussi le ministère de la Défense et la résidence officielle du président el-Béchir. Parallèlement, de nombreuses personnes s'étaient dirigées vers le QG en voitures, bus et vans, sur fond de klaxons. Des femmes rassemblées devant ce site avaient lancé des youyous et scandé des slogans anti-Béchir.

Les signes annonciateurs de l'écroulement 

En même temps, l'armée s'était déployée dans de nombreuses rues de la capitale, ainsi que des membres du groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide. En matinée, des soldats avaient même mené un raid à Khartoum dans les locaux du Mouvement islamique, la branche idéologique du Parti du congrès national (NCP) du président el-Béchir, selon des témoins. Déjà mercredi soir, le NCP avait reporté sine die un rassemblement de soutien au chef de l'État prévu jeudi à Khartoum. Des foules étaient aussi rassemblées dans les villes de Madani, Gadaref, Port-Soudan, Al-Obeid et Kassala en brandissant des drapeaux soudanais. Il faut dire que des milliers de Soudanais réclamaient invariablement la démission du président Béchir, 75 ans, au pouvoir depuis trois décennies, et demandaient à l'armée de rejoindre leur mouvement. Les manifestants déterminés avaient défié toute la journée de mercredi le régime devant ce siège de l'armée, dont les intentions, tout comme celles de la police, restaient à confirmer. « Nous attendons de grandes nouvelles. Nous ne partirons pas d'ici tant que nous ne saurons pas ce que c'est », avait indiqué à l'AFP un manifestant devant le QG de l'armée. « Nous en avons assez de ce régime. Trente ans de répression, de corruption, d'abus de droits. C'est assez », avait-il poursuivi.

Appel à l'armée à soutenir le mouvement populaire

« Des hommes et des femmes de tous les coins de Khartoum et d'autres villes viennent pour ce qu'ils appellent le service de nuit », avait de son côté relevé un manifestant mercredi soir pour marquer la détermination des protestataires. Depuis samedi, les manifestants avaient essuyé à plusieurs reprises les assauts du puissant service de renseignement NISS, qui tentait en vain de les disperser à coups de gaz lacrymogène, selon les organisateurs du rassemblement. Mardi, 11 personnes, dont 6 membres des forces de sécurité, ont été tuées lors de manifestations à Khartoum, avait rapporté mercredi le porte-parole du gouvernement, Hassan Ismail, sans préciser les circonstances de leur mort, d'après l'agence officielle Suna. En tout, 49 personnes sont mortes dans des violences liées aux manifestations depuis que ces rassemblements ont commencé, en décembre, de sources officielles. Agitant des drapeaux nationaux et entonnant des chansons révolutionnaires, les contestataires avaient appelé l'armée à rejoindre leur mouvement de contestation, né en décembre et qui a connu un net regain de mobilisation samedi. Aucune tentative de dispersion n'avait été rapportée pour la journée de mercredi. « Il semble que la police soit avec nous aussi », avait estimé un manifestant. Mardi, la police avait annoncé avoir ordonné à ses forces de ne pas intervenir contre les contestataires. Elle avait aussi dit vouloir l'union du « peuple soudanais (...) pour un accord qui soutiendrait un transfert pacifique du pouvoir ». Concernant les militaires, le général Kamal Abdelmarouf, chef d'état-major de l'armée, avait précisé lundi que celle-ci continuait d'« obéir à sa responsabilité de protéger les citoyens ».

La nécessité d'un plan de transition crédible

L'étincelle de la contestation a été la décision du gouvernement de tripler le prix du pain le 19 décembre. À travers le pays, des citoyens soudanais avaient appelé au départ de M. Béchir. Le président avait tenté de réprimer la contestation par la force, puis avait instauré, le 22 février, l'état d'urgence à l'échelle nationale.

Mardi, des capitales occidentales avaient appelé les autorités à répondre aux revendications « d'une façon sérieuse ». Le pouvoir doit proposer « un plan de transition politique crédible », avaient écrit les ambassades des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Norvège dans un communiqué conjoint à Khartoum. Mercredi, Washington avait exhorté le pouvoir à respecter le droit de manifester. « Nous appelons le gouvernement du Soudan à respecter les droits de tous les Soudanais à exprimer leurs doléances pacifiquement », avait tweeté Tibor Nagy, secrétaire d'État adjoint chargé de l'Afrique.

 

Par Le Point Afrique

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