
C’est désormais chose faite. Le dossier des biens mal acquis durant la période 2009-2019 qui a commencé, il y a une année par une Commission d’enquête parlementaire (CEP) est passé, ce mardi 09 mars, devant les juges. Largement commentée, cette première audition concerne de hauts responsables (anciens Premiers ministres, ministres, directeurs d’entreprises publiques) mais les regards sont plutôt rivés sur l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui continue à se barricader derrière un article 93 de la constitution censé lui assurer une immunité, sauf en cas de haute trahison qui le conduirait devant une haute cour de justice dont les textes ont été votés par l’Assemblée nationale mais pas encore constituée.
En attendant de voir où conduirait la nouvelle tournure, il est certain que le pouvoir a marqué de précieux points.
En donnant la preuve que la séparation des pouvoirs n’est plus un vain mot. Le retard n’était donc apparemment lié qu’à ce besoin - cette prudence - qui appelait à l’approfondissement de l’enquête avant son transfert à la justice. Celle-ci suivra son cours au moment où beaucoup commençaient à émettre des doutes évoquant un « blocage » parce que, quelque part, supputent-ils on cherche à « protéger ses amis » ! Des préjugés « défavorables » venant du fait que tous les responsables impliqués dans ce dossier sont de l’Union pour la République (UPR) qui, de par son statut de parti au pouvoir, est le principal pourvoyeur en cadres nommés aux hautes fonctions de l’État, ce qui n’a rien d’infamant en soi. Au contraire, c’est tout bénef pour l’UPR qui, sans avoir à accabler ces responsables, aura désormais un argument de poids pour dire que la lutte contre la gabegie, désormais bien engagée, n’a rien de sélectif. En « libérant » les hommes et femmes impliqués dans ce dossier de leurs responsabilités pour pouvoir se consacrer à leur défense, le pouvoir donne la preuve qu’il ne cherche nullement à entraver le travail de la justice. Les verdicts que celle-ci aura à prononcer dans les prochaines semaines ou mois seront donc l’émanation de SES choix en tant que pouvoir agissant librement, comme l’avait fait, avant lui, le Législatif, en instaurant la CEP.
C’est donc bien d’une première en Afrique. Les personnes accusées de « crimes économiques » sont mises en cause par le législatif, à travers une commission d’enquête parlementaire, et non par un Exécutif comme au Sénégal (affaire Karim Wade, affaire Khalifa Sall) ou encore en Algérie où des personnalités de l’ancien régime de Bouteflika ont eu mailles à pâtir avec la justice.
Demain, la décision prise par la justice n’engage que la justice. Elle peut condamner ou acquitter.
Sneiba Mohamed