
Il y a des gens que tu accompagnes longtemps et quand vous vous séparez, tu ressens ton esprit se libérer d’un ennui pesant. Tu cherches en vain à leur trouver des traces positives dans ta vie, à part des signes, te rappelant une période qui te paraît longue, étouffante et triste…Leur simple départ fait comme s’ils n’avaient jamais existé.
Il y a d’autres que tu envies, quand le destin les place sur ton chemin, pour partager avec eux, un épisode d’un parcours, qui s’imposent comme une marque vide dans ta vie professionnelle, retenue à jamais par ta conscience. C’est ainsi que ma mémoire a fait avec le Professeur Mohamedhen Baba Ould Tchvagha.
J’ai conservé dans un registre les moments les plus réputés de cette période de temps, pendant laquelle, j’ai collaboré à ses côtés, dans le travail, au sein de l’équipe du bureau Al-Jazeera en Mauritanie.
Cinq ans au cours desquels, le bureau a couvert deux coups d’Etats, deux scrutins présidentiels ainsi qu’une crise politique aigue survenue en 2008, en plus de plusieurs attaques d’Al-Qaeda au Maghreb Islamique.
A ce palmarès d’événements, s’ajoute aussi, ces reportages divers, ayant permis au bureau, de faire connaître les traditions et les habitudes de la Mauritanie, ses potentialités touristiques, culturelles, techniques, son patrimoine, en plus de ces documentaires réalisés sur les villes historiques comme Oualata, Chinguitti et Ouadane.
Cinq ans marqués également par des reportages à vocation humaine, ayant porté sur les souffrances vécues par de nombreuses franges de la société mauritanienne, pendant lesquels nous avons discuté aussi, entre autres questions, des problèmes des sourds, des aveugles, des mendiants, des habitants des quartiers précaires, des malades du cancer, de l’insuffisance rénale, des victimes du viol et des malheurs des villes sinistrées par les inondations.
Cinq ans, au cours desquels, le téléspectateur arabe est devenu plus édifié sur la place géographique de la Mauritanie, plus sûr de ne pas faire la confusion entre ce pays et les Iles Maurices ou l’archipel des Comores. De surcroît, les visages des hommes politiques, de culture, de l’art et de la religion sont devenus familiers et connus par le public d’Al-Jazeera.
Pendant toute cette période « Baba », comme l’appelle les collègues au sein d’Al-Jazeera, nous incitait au respect des principes, qu’il considère clé du succès, et dont il n’est pas permis l’ignorance.
Il était tenace à la neutralité, à la précision, à l’objectivité, à l’équilibre et à la recherche des scoops médiatiques. Nous avons passé par des périodes difficiles, pendant lesquelles nous avons été accusés par chacune des parties rivales de partialité à l’endroit de l’autre.
Nous nous sommes exposés aux insultes publiques et directes, à travers les journaux et les sites électroniques. Plusieurs parties et personnalités avaient adressé des lettres au directeur de la chaîne, portant plainte contre le manque de notre objectivité et l’absence de notre équilibre. Il a été victime de violences et d’humiliation au cours de la couverture d’activités politiques.
Le bureau a été également saccagé au cours des élections présidentielles de 2007 par les sympathisants de l’un des candidats, qui le visaient personnellement. Dans toutes ces situations, Ould Tchavagh est apparu correct, confiant en lui-même, compréhensif des positions des autres qui ne désirent pas entendre ce qu’ils détestent sur l’écran d’Al-Jazeera, disant que c’est un épisode des peines du métier des épreuves.
Ces pressions n’ont fait que renforcer sa détermination à poursuivre la couverture de tous les importants événements du pays, avec le même rythme, permettant d’écouter à travers l’émission « El Hassad El Megharibi » toutes les opinions exprimées en Mauritanie, traitant tous les sujets sans contrôle, ni censure.
Il ne nous a jamais fait sentir qu’il est un directeur autoritaire, se berçant dans son bureau, dictant dictatorialement ses ordres, sans prendre notre avis en considération. Nous lui témoignons unanimement son objectivité, sa modestie, sa bonté, sa piété, sa ferveur et sa bonne conduite. Il n’a fait aucun mal à personne.
« Baba » était toute cette période un père respecté, un frère franc, un collègue qui donne les conseils et un guide loyal et fidèle. Il sera tel Incha Allah. Il nous manquera certainement. Il laissera sans doute un grand vide, que j’espère, avec le reste des collègues du bureau, combler malgré le pari à relever.
Mais, je ressens beaucoup de fierté en le voyant poursuivre son ascension méritée dans la chaîne Al-Jazeera ; si la direction a décidé de le promouvoir, pour superviser le bulletin d’information sur le Maghreb Arabe. Le fait de l’investir de ce programme télévisé à large écoute est une preuve irréfutable de la confiance que la chaîne Al-Jazeera lui accorde pour son professionnalisme et pour son énergie.
C’est également un démenti solennel et catégorique apporté à toutes les rumeurs et fausses explications sur son retour au siège de la chaîne à Doha. Je souhaite que le Professeur Mohamedhen Baba Ould Tchavagh récolte tous les fruits du succès qu’il mérite et qu’il demeure un éminent symbole de l’espace médiatique et des milieux de la communication, qu’il soit récompensé par Allah autant que sa bonté.
Nous sommes redevables à son endroit et sur son chemin professionnel nous marcherons Incha Allah.
Zeinebou Mint Erebih
Ex- correspondante d’Al-Jazeera à Nouakchott
Traduit par Mohamed Ould Mohamed Lemine