Diaspora mauritanienne : entre désir d’insertion et appel du retour

ven, 19/03/2021 - 15:08

Difficile de quantifier cette diaspora dont la présence dans certains pays est bien antérieure à l’indépendance de la Mauritanie. Mais l’importance que le gouvernement accorde à cette communauté, dont une bonne partie vit en Europe (France, Belgique, Espagne), dans les pays du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar), en Amérique (Etats-Unis, Canada), mais également dans plusieurs pays d’Afrique  (Angola, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Guinée Bissau, Congo,  etc.), l’a poussé à en faire le second terme (les Mauritaniens de l’extérieur) d’un ministère des affaires étrangères et de la coopération appelé à prendre en les problèmes des communautés expatriées où qu’elles se trouvent.

Les raisons qui poussent l’individu à quitter son pays et à s’installer durablement dans un autre sont diverses. Elles vont de cet ardent besoin de se former (études supérieures) dans de prestigieuses universités européennes, américaines ou arabes, à celui de mener des activités économiques rentables (commerce) en passant par la quête d’un emploi mieux rémunéré que dans le pays d’origine. Elles découlent à la fois d’un besoin d’épanouissement personnel et d’une volonté d’être utile à sa famille, au sens large, et à son pays.

Une évaluation sommaire de cet apport, ne s’appuyant que sur des données parcellaires, donne un résultat mitigé. Car si des milliers de familles profitent de l’argent de la diaspora, l’investissement dans des projets générateurs d’emplois et de revenus en Mauritanie relève du domaine de l’exceptionnel. L’argent transféré ne va pas plus loin que des placements (immobilier) ou des soutiens à des familles qui ont contribué au départ à l’étranger de l’un de ses membres et attend donc un retour sur investissement qui pend la forme d’un envoi mensuel ou annuel.

Mais comme le souhaite la Banque mondiale, plusieurs pays africains comptent sur l’argent de la diaspora pour aller au-delà d’un transfert de devises. Il faut inverser la tendance qui veut que le développement de la plupart des pays africains dépende des financements extérieurs (APD et dette). De nombreux experts pensent que la diaspora et les transferts de celle-ci peuvent contribuer à lutter contre la pauvreté, mais aussi et surtout concourir au développement de l’Afrique.

L’impact social de l’argent de la diaspora mauritanienne remarquable – et remarqué – à travers les structures associatives qui se sont formées en Europe pour venir en aide aux terroirs. Réseaux et fédérations, associations nationales ou thématiques, associations villageoises, ou encore projets individuels, la diaspora mauritanienne d’Europe tentent de s’organiser pour faire du dicton qui dit « l’union fait la force » une réalité dans cette Europe où les conditions d’immigration – et d’installation – sont loin de celles des premières années de l’indépendance.

L’étude « Mapping de la diaspora mauritanienne en Europe » réalisée entre septembre 2017 et janvier 2018 dans le cadre du projet Migration et Développement en République Islamique de Mauritanie (MIDRIM) et conduite en étroite collaboration avec le Réseau des Associations Mauritaniennes d’Europe (RAME), identifie les compétences et pratiques de co-développement de la diaspora mauritanienne de 6 territoires pilotes en France, Belgique et Espagne. Cette étude, non exhaustive, se focalise sur les dynamiques individuelles et collectives et les évolutions récentes de la diaspora. Elle livre une base de données qui répertorie 150 associations et 130 porteurs de projets, 39 fiches de présentation des associations, un rapport d’analyse (typologie et recommandations) mais surtout, une cartographie en ligne des initiatives de la diaspora.

Il en ressort également que les apports des migrants « sont variés et contribuent à l’ouverture des territoires sur le monde. Ces dynamiques varient au niveau national, européen, voire mondial, essentiellement via les associations villageoises qui communiquent entre elles, mutualisent leurs cotisations, échangent sur les projets… Mais l’éclatement des initiatives rend difficile leur coordination. La valorisation de ces initiatives et la concertation sur les enjeux de développement sont par conséquent essentiels. »

L’étude évoque, en termes de résultats, « des pratiques collectives à base territoriale centrées sur la solidarité avec les territoires d’origine », « des approches pluridisciplinaires et des modes de gouvernance plus inclusifs utilisant les technologies de la communication », « une volonté de renforcer les actions en Europe et les partenariats de coopération décentralisée », et « une structuration des réseaux nationaux et européens qui s’investissent dans l’accompagnement de leurs membres et des actions de plaidoyer. »

Il s’agit donc, dans la plupart des cas, d’initiatives économiques individuelles à forte dimension sociale, d’une majorité de projets informels, de compétences nombreuses et variées et d’une grande capacité d’innovation et de partenariats en lien avec les territoires de vie.

Pour répondre au souhait de la Banque mondiale pour arriver progressivement à faire de l’argent de la diaspora un levier de développement plus prégnant que les soutiens « conditionnés » (APD et emprunts), il faut pouvoir articuler les dimensions sociales et économiques des projets en créant les espaces de rencontre et d’échanges d’expérience et favorisant l’investissement productif des migrants et accompagner les initiatives d’intégration des problématiques migratoires dans le développement des territoires ici et là-bas.

 

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